Contredire mon père a toujours été un passe temps plus ou moins agréable, bon j'avoue, j'adorais ça, le problème était simplement que je n'avais pas toutes les clefs en mains pour le faire avec brio. Certes nous avions de l'argent, énormément de fric comme le clamaient certains autres gérants de club de Vegas, d'où sortaient ces billets verts ? De l'activité quasi proxénète de mon cher père dans son bar à strip, en gros le fameux "Regardez avec les yeux" dans le club affriolant de Stanley n'était pas à prendre au pied de la lettre, vous pouviez toucher, palper, même aller bien plus loin avec les filles... En bref je n'ai jamais manqué de quoi que ce soit, hormis peut-être d'une mère, mais j'avais les balconnets fournis de certaines jeunes femmes, à mon époque couche culotte, qui endossaient plutôt bien ce rôle de substitue maman. Ne manquer de rien est un grand mot, en effet je peux vous assurer que l'argent ne fait pas le bonheur quand on à un paternel aussi con que le miens. Acariâtre, dictateur et j'en passe, à part aboyer des ordres et décider pour les autres, je ne l'ai jamais vu faire preuve de tact avec qui que ce soit et surtout pas moi. Tout il advient que malgré les affaires florissantes de mon père, je m'ennuyais sec jusqu'à rencontrer le frère que je n'aurai jamais eu si celui-ci n'avait pas eu une tchatch pareil avec ces demoiselles.

D'abord simple client du bar Damon Luciano est très vite devenu un gars avec qui je discutais autour de bouteilles appréciables, disons que le courant est passé sans problème. Puis, au fil des conversations, ce rital a été durant longtemps le type avec qui je faisais les pires conneries et relevais les défis les plus dangereux, rien n'est passé sous nos nez sans être testé, boire, rire et se défier constamment jusqu'à ne plus pouvoir marcher tant nos corps ne suivaient plus la cadence de nos idées pour le moins timbrées. Ce fut sans doute là le meilleur moyen de chier dans les bottes de Stan qui ne désirait qu'une chose, que je reprenne le flambeau familial, chose qui me passait au dessus en rase motte sans me préoccuper le moins du monde jusqu'à ce fameux jour... Cinq heures du mat', les yeux qui vous disent merde, la gueule de biais après une biture magistrale, un espèce de crétin m'a gueulé dessus et m'a tiré du plumard pour m’ordonner de faire mon paquetage, dans son dos, lorsqu'on est passé dans le grand hall de la baraque, j'ai entrevu l'air satisfait de mon père, en gros c'était ça où ne pas figurer sur son testament...

Si seulement j'avais su que le monde se casserait la gueule quelques temps plus tard, que Stanley se ferait (j'imagine sans être certain) bouffer par ses propres clébards, je lui aurai dit un dernier mot concernant mon envoie au BSAA : MERDE ou VAS TE FAIRE... peut-être les deux même. Bref, voilà où j'ai donc fini sans plus jamais voir la tronche de Luciano, j'imagine qu'il se dore la pilule sur une plage de sable fin où les virus n'ont pas fait de ravages...petit con, t'aurais pu venir m'arracher de là bien que, en y réfléchissant à deux fois, je suis peut-être plus heureux à enfin servir à quelque chose plutôt qu'à dépenser le fric dont je ne verrai plus jamais la couleur, si bien qu'il m'a semblé naturel de rejoindre les Dreamers, y a des types sympas, des choses à faire, en bref l'ennuie me tient bien moins aux tripes que lorsque je passais mon temps au bar à mater sous les jambes des Gogo, l'avenir me dira si ça valait le coup mais je n'aurai qu'un seul regret, ne pas avoir pu dire combien "je l'aimais" à Stan.