J'ai toujours entendu ce surnom, ce mot désobligeant servi à mon encontre, ce terme qui autrefois ne me faisait pas vraiment tilter, me revient avec plus d'amertume aux oreilles désormais. Vous me direz des mots ne sont rien d'autre qu'un assemblage de lettres, on leur donne une note, un sens, et ce n'est rien d'autre que ça, mais un mot reflétant une insulte blessante, masquant le visage d'une femme pour qui mon respect est encore intact malgré sa disparition, n'est pas la plus anodine des choses mais bien le pire venin qui puisse être craché à mon intention. Vous a-t-on déjà servi celui-ci ? Comment réagiriez vous si un beau jour, l'homme qui s'estime être à l'origine de votre existence, ce type qui n'a pourtant jamais rien fait pour vous mise à part vous utiliser, après avoir évincé l'être le plus important à votre cœur, à des fins peu louables, vous nommiez son bâtard ? N'auriez vous pas cette haine intense au creux des veines, l'envie de lui arracher les yeux et de les lui faire avaler ? Ne reverriez vous pas qu'il s'étouffe avec sa propre langue sous votre sourire réjoui et néanmoins sadique ?

J'en ai rêvé, des milliers de fois j'y ai songé, ces scènes horribles et sanglantes étaient jubilatoires, satisfaisantes et, malgré tout, la vengeance me semble d'avantage séduisante quand elle fait appel au jeu, aux tortures de l'âme et de l'esprit... Il m'a ôté le seul être cher qui comptait pour moi, la seule personne capable de me faire adorer la vie, il n'imaginait pas qu'à six ans, le gosse que j'étais imprimerait ça dans un coin de son crâne pour ne jamais l'oublier et le lui faire payer le restant de son existence... Je me souviens parfaitement du coup de feu, de cette odeur de poudre et de sang, la couleur de sa peau blême empourprait par ce qui n'aurait jamais du fuir ses veines, ce trou béant entre ses deux joyaux bruns, ses boucles soyeuses se ternirent dans la marre rougeâtre qui fut son dernier lit...

Mais je me souviendrai parfaitement des palpitations du cœur de son bourreau lorsque mes doigts l'enlaceront avec toute la haine qu'un fils ne devrait jamais porter à son père...