Je me souviens encore de cette impression de vie et de lumière autour de moi, de cette odeur de cannelle qui flottait dans l’air, et surtout de ce contact froid contre le bout de mon nez pour l’avoir collé aux carreaux de la maison tout comme mes paumes afin de scruter la pluie qui formait à mon plus grand chagrin des flaques m’empêchant de jouer dehors. « Dès que le ciel cessera de pleurer tu pourras y aller avec Emma » m’avait elle promit en un baiser tout en me sommant avec gentillesse de laisser en paix les vitres fraichement lavées. Faussement bougon, j’ai grimpé les marches pour rejoindre ma sœur, où là le temps sembla filer bien plus vite quant à nos amusements de petites filles, jusqu’à enfin entendre l’approbation quitter ses lèvres, aussi vite que nous dévalions les escaliers pour enfiler nos chaussures et embarquer notre ballon. Je me rappelle avoir sauté à bottes jointes dans une flaque pour sentir les gouttelettes m’éclabousser l’épiderme ainsi que cette petite robe bleue que je portais, avant de courir les bras déployés tel un avion prenant son envole, heureuse de pouvoir enfin sentir le parfum des fleurs m’envelopper. Les échos des rebonds de notre jouet résonnaient tout comme nos rires entres les arbres du lotissement. Emma et moi n’avions que deux ans de différence et là où certaines sœurs préféraient leurs amies personnelles, moi je voyais en elle ma plus précieuse compère pour l’éternité, celle avec laquelle j’adorais jouer et apprendre de nouvelles bêtises sans jamais subir de sentence tant nos parents étaient les plus merveilleux du monde à mes yeux. Je n’imaginais pas à cet instant que ces secondes où mes prunelles étaient rivées sur le dos de mon ainé, entrain de se ruer pour récupérer l’envoi que je venais de lui offrir, étaient les toutes dernières que je passerais auprès d’elle, les ultimes devant cette maison gorgée de souvenirs.

Puis de là, le froid est venu mordre ma silhouette, l’humidité imbiber mes vêtements, mes larmes inonder mes genoux, mes cris bruler ma gorge jusqu’à tomber de fatigue et de tristesse. Durant toutes ces années, enfermée et dissimulée à l’abri des iris et oreilles curieuses, mon quotidien a été rythmé par des choses que je ne souhaite à aucun autre enfant en ce monde, ni même adulte. Je n’avais jamais prié jusqu’à ce jour où mon cœur s’est brisé, mais chaque soir, ce pendentif en forme de flocon aux creux des paumes, les genoux embrassant le sol, je suppliais afin de revoir un jour les rayons du soleil, mais davantage ma famille qui me manquait…..