14 FÉVRIER 2012

Boubou multicolore sur le dos, fichu noué sur la tête, faux cils, fard à paupières et mascara, Dwayne rejoignait l'espèce de tenture, de velours pourpre et autres dorures, pour prendre son service. Le cagnard assommait les clients du parc d'attraction depuis des heures déjà et, malgré tout, le grand black ne faisait qu'entamer sa journée, celle-ci prendrait fin vers 23h, quand les grilles du domaines se refermeraient derrière toutes les tanches livides bourrées de frique qui ne portaient aucune considération au petit personnel. Après quelques questions à sa collègue, une femme qui assurait le boulot de l'ouverture jusqu'à se faire remplacer, il roula des yeux en obtenant réponse : L'abruti de première, habitué des lieux, le fameux type qui croyait dur comme fer aux conneries qu'il était censé servir aux gosses amateurs de "destiné" à la Kaamelott et de légendes toutes plus fausses les unes que les autres, revenait pour une séance.

Tous les jours cette andouille passait les tentures pour river son cul de singe sur l'assise, face à cette table, ornée d'une boule de cristal tout juste bonne à rendre, à celui qui zieutait dedans, le gros nez déformé du gars derrière qui, comme s'il buvait les paroles du médium malgré les conneries qui sortaient de sa bouche, tentait d'y voir l'invisible. D'un geste théâtrale, Dwayne écarta les voilages pour lui faire face, entrant d'ores et déjà dans la peau de Lafayette la fameuse diseuse de bonne aventure. Le gars s'assit, face à la boule donc, et son hôte lui battit les cartes pour lui faire un topo de balivernes qui semblaient lui plaire. Richesse, fertilité, réussite mais, quand la carte de la faucheuse rejoignit la nappe, Wilson manqua de crever de rire en voyant parfaitement sa trogne déconfite.

-Vous pouvez recommencer ? Le grand black déposa dédaigneusement le bras sur son dossier et le fixa. S'il vous plait.

-Ha j'préfère ça, t'imagine comment faut se battre quand t'es gay et, pire encore, noir... le s'il vous plait c'est pas en option chez moi. Lafayette reprit donc et, une fois encore la carte de la mort revint sur le tapis. Bon, on va consulter la boule, franchement que tu crois à ces conneries ça me trou vraiment le derche, t'es pourtant pas si con ? Chatonnant quelques paroles dignes d'un sorcier vaudou, feintant des mimiques et autres gestes semblables à ceux des possédés, il rouvrit grand les prunelles et se pencha sur le verre déformant. Servant quelques mots à son client, subitement, dans le reflet de l'objet translucide, il vit les drapés dans le dos du type s'ouvrir et laisser passer un bonhomme, complètement beurré, auquel il ne prêta pas attention, désireux d'en finir au plus vite avec le crétin des alpages vissé sur sa chaise. Faut attendre son tour mon petit vieux, et je prend pas les bourrés ça tourne toujours mal avec cette race là. L'autre ronchonna, incapable de marcher droit et de répondre, il le vit tituber jusqu'au client et se pencher vers lui, sa tronche horrible, sanglante et livide, déformée dans la boule, au point de l'en faire hurler de manière stridente. Dégage vite, vite, fous moi l'camp bordel !!!!! Déjà debout, la boule en main, Lafayette hurla d'avantage en voyant son meilleur gagne pain se faire bouffer la gorge par l'ivrogne qui, désormais, n'avait plus que l'étoffe mais pas le nom à son regard. T'approche pas sac à vin, ou j'te casse le nez avec ça. Quand le monstre à allure humaine avança, Dwayne, les yeux clos, lui colla brutalement le verre sur la tempe jusqu'à le voir s'étaler au sol. A bout de souffle, il remonta son boubou, certain d'avoir à faire à un aliéné, conscient qu'il devait en référer à la direction. S'emmêlant dans les tentures, il parvint à s'en dépêtrer jusqu'à se figer dans l'allée de graviers à l'extérieur. Les cris, le sang, la panique... des centaines de personnes se faisaient étriper par la moitié d'entre elles...What the fuck ???