Je me souviens parfaitement de chaque instant de ma vie, de la détresse de ma mère lorsque nous avons dû quitter Raccoon City en 1998. A l'époque, j'avais   treize ans, je n'aurai pas dû comprendre ce qui se passait, pourtant tout était clair, l'homme était arrivé au commencement du déclin de son existence, nous allions vivre encore tout au plus dix, vingt, trente peut-être une centaine d'années puis, la création, aussi horrible soit-elle, reprendrait les rennes pour semer le chaos, ensuite viendrait le néant... Le néant, tous pensaient qu'il s'agissait de cela lorsque les morts ont envahi ma ville natale, pourtant ce n'était qu'un début, je me rappelle la main de ma mère serrant la mienne, le feu, l'odeur de chair brûlée et l'écho de hurlements venus d'outre-tombe ainsi que la détresse humaine. Ce soir là, mon père, agent du S.T.A.R.S, a été appelé, et avant de disparaître à tout jamais, il m'a déposé dans la voiture et a embrassé ma mère. Je revois parfaitement les larmes qui coulaient sur son visage fin, embuant ses yeux bleus se mêlant aux mèches de ses cheveux blonds, malgré sa tristesse elle l'a laissé partir et a enclenché le moteur, nous avons eu la chance de pouvoir quitter la ville avant que les barricades ne permettent plus le passage. Des milliers de gens se ruaient contre ces barrages, la police les contenait comme elle le pouvait, jusqu'à ce qu'un homme en morde un autre et que le cauchemar commence... J'étais tourné vers la plage arrière du véhicule, je voyais la scène et le sang qui découlait de cet acte inhumain, les lourdes portes se refermant peu à peu sur cette image horriblement dérangeante -pour un gosse de mon âge- qui ne quitterait jamais plus mon esprit. "On sera bientôt en sécurité et ton père nous rejoindra dès que tout sera rentré dans l'ordre." Avait-elle dit la gorge pas moins nouée de sanglots, ses fines mains crispées au volant tentant de me dissimuler ce mensonge pour que je puisse garder espoir. "Tout rentrera dans l'ordre je te le promet..."

Le visage de mon père, jamais nous ne l'avons revu, nous avons emménagé chez la sœur de ma mère à New York, elle n'avait pas menti sur un point : Nous étions en sécurité. Raccoon City fut rayée de la carte le soir même, l'information avait été diffusée sur toutes les chaines et je la revois encore s'effondrer devant le poste de télévision et ma tante me serrer contre elle... Je ne peux pas dire que j'ai été malheureux durant les dix années qui ont suivi le drame, ma mère m'a couvé d'un œil bienveillant tout le long de mes études, je voulais devenir flic, tout comme mon père, pourquoi ? Sans doute pour honorer sa mémoire, je ne sais pas vraiment ce qui m'a poussé à me lancer dans les forces de l'ordre alors qu'on me voyait d'avantage écrire ou encore faire un métier de lettres, tout il advient que c'est ce qui me collait aux tripes. La plupart des gens, ceux qui se lancent dans la police, vous dirons qu'ils le font pour enrayer le crime ou encore pour sécurisé le peuple et d'autres, dont les agissements sont peu louables, ne vous avouerons pas que c'est pour se sentir détenteur d'un pouvoir dangereux comme lorsqu'ils jouaient aux jeux vidéo pendant leur temps libre. Moi, je ne saurai vous dire pour quelles raisons je me suis retrouvé, un beau matin, dans le bureau du boss pour qu'on me remette une plaque et un flingue, mais je l'ai fait en pensant à la dévotion qu'avait eu mon père pour les citoyens de Raccoon. Voila ce que je faisais, je suivais le chemin qu'il avait tracé pour terminer ce qu'il trouvait juste : apporter sérénité aux plus faibles. Des faibles, lorsque les collègues parlaient ainsi des gens, j'avais simplement envie de les voir se faire détrôner par le bleu sans expérience qui leur faisait office de souffre douleur. Moi même je n'avais pas autant de bagout ou de muscles que certains, mais j'avais une tête, ce qui m'a permis de devenir celui que mon père aurait été ravi de connaître, étais-je pour autant faible ou naïf, le fait de ne pas foncer dans le tas faisait-il de moi un être inférieur ? Je ne pense pas, il est plus sage de réfléchir, une étique qui me collait à la peau et m'a permis de rester en vie tandis que d'autres, membres de la police, furent enterrés avant leurs propres parents...J'étais un bon flic, je ne jugeais pas ceux que j'arrêtais, la justice était là pour le faire, je ne portais pas un œil de pitié sur les victimes, non, les médias s'en chargeaient bien assez, mais les gens m'appréciaient pour ce que j'étais, simple et loyale.

Deux ans se sont écoulés après que les premières créatures aient envahi bon nombre de parties du monde, ici, dans la grosse pomme, il semblait que la sécurité était de mise, on arrivait ainsi à repousser les masses d'infectés qui tentaient de semer la terreur. La police et le BSAA devaient souvent coopérer, et tandis que je me sentais plus utile encore, ma vie a totalement basculé en à peine vingt minutes. Une mission pourtant simple, le mouvement anti bio-terrorisme devait se contenter de repousser les monstres et nous autres flics, mettre les civils en lieu sûr. Je me rappelle cette femme, ce gamin, le père de famille était coincé sous un échafaudage effondré, malgré les hurlements de mes collègues pour me garder près d'eux, me sommant qu'on ne pouvait plus rien pour lui, mes souvenirs furent plus forts. Je voyais ce gamin pleurer pour qu'on lui rende son père et pas un de nous ne levait le petit doigt. J'y suis allé, je me suis avancé vers cet homme pour tenter de le hisser hors du cauchemar qu'il vivait, ma main gauche s'est posée contre son bras et j'ai senti sa mâchoire se resserrer contre mon poignet... Si je ne faisais rien, j'étais condamné, condamné à devenir l'une des créatures qui s'était sans doute nourrie du corps de mon père. Je me souviens m'être relevé, avoir trouvé cette hache dans le coffre d'une bagnole ouverte, je n'ai pas réfléchis d'avantage... Plus tard, je me suis réveillé chez "Elle", elle m'a assuré que je n'aurai plus le droit à une vie normal, qu'il valait mieux pour moi disparaître et passer pour mort aux vues de ce qui s'annonçait pour moi.

Je ne suis plus flic depuis maintenant... ce qui doit être une éternité je n'ai plus aucun souvenir d'antan, je me rappelle simplement d'une église, d'une nef, en pleine nuit bien avant que le chaos, qui pèse sur la ville depuis que je suis sorti de ce qui me semblait être l'enfer sur terre, se soit propagé... Une jeune femme, brune, le teint laiteux, ses larmes et sa détresse, du sang... mon sang... je sais au fond de moi qui elle est, cependant je n'ai aucune identité sous la main pour la rechercher, elle ressemble à une poupée, c'est tout ce que je sais, ça et, étrangement, le sentiment de bienveillance qui me possède en pensant à elle... Ma vie n'existe plus, elle est certainement là quelque part, bien enfouie sous une couche de brume qui ne se lèvera peut-être jamais mais je suis libre. Les alarmes ont beau sonner dans mon dos, quiconque s'approchera mourra, ils ne sont ni mes maîtres ni mes rois, simplement les victimes de ce qu'ils pensent avoir créé...