Mes poumons brûlent, j'ai la gorge en feu, sans doute car je respire par la bouche depuis plus d'une demie heure, et ce méchant point de côté ! Bon sang j'ai bon y coller les phalanges, quasiment y enfoncer les ongles, j'ai l'impression qu'un de mes organes va éclater alors que ce n'est qu'une cause à effet. Course effrénée égal point de côté, c'est ce que j'me répète depuis plus d'une heure maintenant pour éviter de crever de trouille. Ma tête bouillonne, ça file à mille à l'heure là dedans, quasiment aussi vite que je vois mes semelles usées fouler les écorces de pin, la boue, et l'herbe dont l'odeur me donne envie de vomir. Je le fuis, j'pensais certainement pas le revoir, pas après m'être tirée aussi rapidement et sans laisser de trace, je pourrais même devenir parano à penser que, non content de m'avoir piqué le bras après une nuit que j'avais longuement idéalisé, il a profité de mon état second pour me greffer une balise. Non, il est futé c'est simplement ça, plus futé que moi et surtout plus apte à utiliser ce qui le différenciait de moi avant toute ce délire, bon dieu mais quelle conne, j'aurai du me douter qu'un truc clochait, ses sens décuplés, bon oui j'aurai pas pu me douter en le voyant simplement ouvrir un pot de confiture sans avoir besoin d'un matos de barge mais merde, il l'a tout de même ouvert si facilement.....

Je secoue la tête et là, alors que j'peine à courir encore, que je sens cette merde enfler dans mes veines, mes veines gonfler sur mes joues, mon front, mes yeux s'injecter de sang, je souris comme une véritable conne parce que je remarque que mes pieds foulent du béton. D'instinct je redresse les yeux et là, des soldats, des barricades, derrière ses barricades New-York... Je mets un certain temps à me remettre, à me dire que les ennuis sont derrière moi, ça fait plus de deux jours que je cours, peut-être a-t-il abandonné, mais pas moi, et alors que dans cette ville je vois la vie reprendre son cours, ma première escale est en endroit dans lequel je n'aurai jamais pensé mettre les pieds. On va me prendre pour une dingue, c'est sûr, mais je m'en fou et alors qu'on me demande de m'asseoir pour attendre qu'on daigne bien me recevoir, que je me bouffe littéralement l'intérieur de la joue, j'entend "Chef" et vois le type qui se retourne pour s'adresser à un de ses subordonnés. La voilà ma chance, je me lève et là mes yeux croisent la pyramide hiérarchique sous verre au standard et, sans réfléchir, je lance "Chris !!!!". Il se retourne, je prie pour qu'il joue le jeu. "J'ai besoin de te voir c'est urgent, très urgent". On lui demande s'il me connait et là mon cœur bat comme un taré, ce type ne me connait pas le moins du monde, même moi je ne sais pas qui il est, mais quand il esquisse un sourire et assure à la standardiste que tout va bien, puis m'ouvre la porte de son bureau, un soupir de soulagement siffle dans ma gorge....

Quand je sors de là, j'ai une nouvelle identité, une protection, un frère que je ne connais pas, un toit, et je suis déjà entrain de m'habituer à ma nouvelle vie.... C'était il y a deux ans.