De ce jour, ce dont je me souviens n'est pas du sang qui quittait mon corps d'enfant, ni des nombreuses douleurs que rencontrait mes membres recroquevillés sous leurs coups de parents, ni mon ventre qui se tortillait sous la faim, ni même l'odeur de la poussière du grenier qui était ma chambre. Non, ce dont je me rappel ce sont les pointes de ses chaussures de cuire sur lesquelles j'ai redressé les yeux larmoyants sous leurs hurlements, puis les costards sombres, leurs regards bleus, et soudainement ce grand silence. Plus une mouche ne volait, c'est alors que Stan le père de mon meilleur ami chez qui je me réfugiais souvent, a abandonné Félix et Santino pour s'approcher de moi. Il s'est accroupit en saisissant avec la plus grande délicatesse mes hanches pour me redresser face à lui.

- Vas dehors, vas rejoindre Gino, Mia, Ava et Maggie, ils t'attendent mon bonhomme. On te rejoint très vite.

A ces mots j'ai opiné, esquissant un fin sourire que m'intimait le sien, j'ai descendu les marches de l'escalier qui menaient à l'appartement, puis celles qui conduisaient à l'épicerie de mes parents, pour passer la porte où des ailes se sont refermées sur mes épaules. Je me souviendrais toujours de Maggie m'enroulant dans une couverture, d'Ava qui me tenait tendrement les épaules contre elle, de la main de Gino dans la mienne, et du sourire de Mia dans sa poussette. C'en suivit les gyrophares des services de secours, les menottes à leurs poignets et une longue série de soins pour me reconstruire.

J'aime à dire, que je suis réellement né en cette nuit de mes cinq ans, découvrant ce qu'était vraiment une famille, des parents. Je sais ce qui s'est passé là haut, j'ai vu leur sang sur leurs vêtements, mais je sais surtout ce que EUX ont fait pour moi. De ces bourses d'études qui tombaient de dieu sait où pour financer mes études, j'ai toujours su ce qu'ils étaient, et ça ne m'a jamais dérangé, car je les aime ainsi. Grace à eux je suis l'homme que je suis aujourd'hui. J'ai connu les premiers délices d'une vie près de ce clan, de mes premières fêtes d'anniversaire, au premier noel avec des cadeaux, à mes premières vacances dans un pays inconnu. Et malgré ça, malgré leur attention, jamais je n'ai essuyé la jalousie de leurs propres enfants. Alors Stan, Maggie, Félix, Ava, Mia, Gino... merci, merci d'être vous, merci pour tout...


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