Lorsqu'on aime on fait tout ce qu'on peut pour se faire apprécier de l'autre, du moins, ce n'est sans doute jamais assez et, c'est lorsque l'on perd ce que l'on a qu'on se rend compte de sa valeur... J'ai souvent entendu ça, mon père me l'a souvent répété lorsque j'étais plus jeune, peut-être pour que je ne devienne pas de ces gars irrespectueux, qui prennent pour acquis leurs petites amies une fois obtenu ce qu'ils convoitaient au point d'en êtres que peu naturels auprès d'elles mais, quand est venu mon tour, celui de perdre celle que j'aimais, alors j'ai cru n'avoir été rien de plus qu'un de ces hommes. J'aurai peut-être du le ressentir, comprendre que son cœur ne battait plus à l'unisson avec le miens mais que ce dernier pulsait pour deux depuis un certain laps de temps...
Ce soir là, elle avait le regard perdu contre l'un des murs du grenier, cet endroit que j'affectionne pour être mon univers, là où je peux extraire les ressenties de mon cœur, sans jamais qu'ils n'explosent aux visages des gens qui m'entourent. Le silence nous gagnait depuis plus d'une heure, elle n'écoutait sans doute plus les notes que je grattais sur la guitare en un sourire véritable et, quand j'ai redressé les yeux sur elle, je me suis stoppé lorsque ses lèvres se sont entrouvertes en un soupir las.
-J'peux plus Nolan... Intrigué, tout de même capable de ressentir la gêne qui s'éprenait d'elle, cette sorte de poids invisible qui paraissait lui peser en gorge et sur les épaules, j'ai reposé mon instrument pour faire rouler mon siège jusqu'au rebord du lit où elle était assise.
Je veux que ça s'arrête, j'en suis pas bien, j'ai pas ce que je désire et ça me pèse. Sa voix tremblait, elle peinait à soutenir mon regard puis, quand j'ai glissé mes mains aux siennes, elle les a reculé et a serré les draps pour rapidement se remettre sur ses
jambes.
C'est fini, toi et moi, c'est terminé je peux plus, je ressens plus rien c'est vide... Cette révélation ressembla davantage à un poignard qu'on m'enfonçait dans le cœur et, pourtant, pas une larme n'a roulé contre mes joues, tout est resté profondément enfouie comme d'ordinaire, pourtant cette brûlure était intense, insupportable et, là, alors qu'elle attendait quelques mots de ma part, j'ai simplement redressé le visage vers elle sans bouger de place. Je ne savais ni ce que j'avais fait, ni ce que je n'avais pas fait mais sans doute était-ce mérité, car on a jamais rien sans rien. A l'époque, j'en ai pris l'entière responsabilité malgré les mots rassurants des miens, de ma sœur, de mon père, qui m'ont toujours assuré avoir été irréprochable auprès d'elle mais alors, pourquoi m'avait-elle ainsi arraché le cœur ?
-D'accord... je veux juste que tu sois heureuse, si c'est plus avec moi alors... d'accord. Avais-je répondu pour la voir disparaître en laissant un trou béant dans ma poitrine.
Quand j'ai enfin réussi à revenir à moi, j'ai agrippé ma housse, ma veste, puis suis descendu pour préciser à mon père que je filais vers le parc. Je ne leur ai rien dit ce soir là, il fallait simplement extérioriser avant de pouvoir évoquer quoi que ce soit auprès de ceux que j'aime. Les étoiles perçaient le ciel, je jouais sans véritable inspiration et, pourtant, chaque phrase me venait, soufflée par mon cœur écorché par une fille que je pensais aimer plus longtemps encore. Seul au monde, la voix portée entre les feuillages, ce n'est que lorsque j'ai redressé les prunelles sur le cuir d'une paire de bottes que j'ai cessé de chanter.
-T'arrêtes pas à cause de moi. Je me souviendrais toujours de ce visage adorable, des fossettes creusées à ses joues, de la sincérité qui filait ses yeux jusqu'à se répercuter dans le son de sa voix.
Tu chantes bien ! Un rictus avait filé mes lèvres tandis que j'arquais un sourcil, puis opinais du menton simplement pour la remercier.
C'est quoi ton nom ?-Nolan. Avais-je souri, laissant doucement à l'abandon, contre mes genoux, la toute première guitare offerte pas ma mère.
-T'as pas un deuxième prénom ? Amusé, ma propre fossette s'était creusée au rebord de mes lèvres, je lui ai simplement demandé pourquoi cette question.
Parce que j'aime pas être ordinaire... Je lui ai servi mon second prénom, celui choisi par mes parents d'adoption qui, pourtant, seraient toujours mes véritables père et mère.
-C'est pas ordinaire, ça correspond à ton idéal ? Son rire m'avait arraché un sourire, elle était belle, ce que je n'imaginais pas c'était qu'elle le serait davantage au grès des jours qui passeraient, qu'elle serait belle ailleurs qu'à mes yeux mais plus là où j'étais complètement à vif sur le moment.
Et toi, t'as un second prénom ? Le sien avait retenti à m'en faire approuver puis lui quémander celui d'origine.
C'est joli pour une jolie fille. Quand elle a pris place à mon flanc, en redressant doucement mon instrument, j'ai plissé des yeux.
-J'ai passé une horrible soirée, soit cool Blue, offre moi du baume au coeur... Avait-elle soufflé.
Qui aurait dit non ? Pas moi en tout cas, et même si la chanson que j'entonnais n'étais pas la plus joyeuse du monde, elle m'a permis de voir en elle le baume dont j'avais besoin à mon tour. Doucement, les notes se sont écoulées, la mélancolie tout autant et, depuis, depuis elle, depuis qu'elle ne m'a plus lâché, depuis que nous sommes plus proches sans arrière pensée, juste une profonde estime de ma part à son égard, chose qu'elle ne saura peut-être jamais, cette chanson n'est plus qu'une chanson et ne sera plus jamais le reflet de mon cœur désormais cicatrisé.