Chaque matin un sourire étirait mes lèvres devant le miroir vétuste de ma chambre d'étudiante, uniquement car je savais que durant dix minutes, dans ma vie pourtant loin d'être celle de demoiselles nées avec l'argent aux lèvres, j'allais pouvoir me perdre dans le bleu intense de son regard, sur cette étrange marque contre les traits de son visage anguleux, sur l'esquisse parfaitement dessinée de son nez, de sa mâchoire puis de sa jugulaire piquetée du même bleu qu'à sa tempe m'invitant à imaginer le reste de ce croquis, étrange aux yeux de bon nombre de gens, m'inspirant une sorte de similitude sans véritablement savoir de quoi il en retournait.

Souvent je m'asseyais dans la rame, le cœur légèrement plus chaud à l'approche de sa station, celle qu'il empruntait pour rejoindre le wagon au point de m'en faire redresser les yeux vers lui et esquisser un faible sourire. Je ne savais pas son nom, ni son prénom, simplement qu'à son contact, alors que seules nos prunelles entraient en collision sans qu'un mot ne quitte nos lèvres, mon ventre s'en serrait sans aucune raison.

Le 14 Février 2012, j'attendais son entrée, peut-être prête à lui parler, un peu comme si je le connaissais depuis des mois sans pour autant savoir une miette de son existence, ni même le son qu'avait sa voix, mais quand le trame s'est arrêté, que les néons ont grésillé et que j'ai vu ces centaines de personnes, le regard vide, laiteux, et la bave aux lèvres, j'ai senti sa main presser la mienne à en soulever mon cœur... Au grès du temps j'ai compris que nous étions semblables, que je n'étais pas différente et dangereuse comme le pensaient les gens de mon village au point de m'en marquer pour me différencier d'eux, comme on brûlait au fer les criminels autrefois afin de ne jamais leur ouvrir nos portes, mais, désormais je ne suis plus seule, je suis sienne et il est miens, je suis entrée dans son monde, auprès des siens que j'apprécie comme les membres de ma famille n'ayant su m'accepté, pour ne jamais plus en ressortir, pas même lorsque la mort viendra souffler tout contre mon oreille.