14/02/12 4h40.PM

L'espace de coton se dissipait peu à peu, dévoilant un ciel bleu loin du gris de celui du dernier continent qu'elle venait de quitter. L'air semblait chaud, le soleil brillait, cette saint Valentin serait sans doute l'une des plus belles depuis les trois dernières années où il avait plu des cordes... Le sourcil arqué, les yeux braqués sur le hublot, un rictus quitta ses lèvres. Pour l'une des premières fois de sa vie elle se piquait sur le vif en pleine rêverie du 14 Février, pourquoi y songer lorsqu'on était seule ? Lorsque cette fête, pour vous, se résumait à une orgie de pop corn et glace dans le sofa du salon devant un film qui finirait par vous tirer des larmes que vous essuieriez aux pans de votre pyjama moelleux ? Tirée de ses songes par l'atterrissage, qui forcément lui arracha un léger gloussement quant aux secousses, Sloane se hâta à quitter cet appareil de malheur pour rapidement rejoindre la moquette des couloirs de débarquement. Comme prévu, Jonathan, son frère aîné, l'attendait. Sa nervosité ne l'intrigua guère pour l'être tout autant que lui sans doute, après une petite effusion fraternelle, ils se dirigèrent rapidement vers l'endroit où elle pourrait récupérer ses bagages.

-Tu n'as pas fait claquer mes plantes j'espère ? Interrogea-t-elle.

-Absolument pas ! Rassurée, Heather contempla la danse des valises sur le tapis jusqu'à voir l'homme, à quelques pas d'elle, tourner de l’œil et convulser à l'en alerter rapidement.

-Il fait une syncope, tiens moi ça ! S'exclama-t-elle en logeant son sac à main dans les bras de son frère. Sans attendre, la brunette s'approcha de la victime, déjà agenouillée près de lui afin de desserrer le nœud de cravate qui semblait l'étouffer. Monsieur, cessez de bouger je vous prie, tout ira bien je suis médecin. Ses dents claquaient sans qu'elle ne puisse en retirer quelconques symptômes sinon envisager la crise d’épilepsie. Avec précaution, évitant soigneusement ses mâchoires, tentant de le maintenir en place comme elle le pouvait, Isy logea une petite lampe contre son iris et fronça le nez. Monsieur ? Monsieur ? calmez vous, je ne vous ferai aucun ma... Tirée vers l'arrière, elle vit la bouche du patient se refermer méchamment à quelques centimètres de ses doigts. Sur les fesses, le col du tailleur encore retenu par son frère qui vociférait mille phrases nerveuses dont elle était incapable de retenir le sens, Heather contempla l'individu qui tentait de lui agripper la cheville. Mais qu'est-ce qui vous prend ?!!!

-Isy il est dangereux, je sais pas ce qu'il a, ni quelle mouche l'a piqué mais on devrait sortir d'ici rapidement, les gens tombent comme des mouches, comme si l'air était contaminé !!!!!

Subitement, Heather sentit sa cheville emprisonnée par l'étranger, son cœur battit fort tandis que son frère hurlait à l'imbécile de la lâcher immédiatement. Dans un élan de stress, ou quelconque geste instinctif, Sloane redressa l'autre pied pour repousser, du plat de son escarpin, le crâne hostile qui tentait de mordre la prise qu'il ne relâchait pas le moins du monde. Le cuir de la chausse contre le front de l'assaillant, subitement elle ouvrit grand la bouche, interdite, quand son talon s'enfonça dans le globe oculaire. Figée l'espace d'une seconde, Heather ne sentit même pas son être glisser contre le carrelage, ni même la fait que Jonathan la redressait contre lui. Angoissée, léchée par une panique monstre, elle bégaya quelques mots.

-Mon dieu je l'ai tué, je l'ai tué... avec... ma chaussure, je l'ai tué Jonathan je l'ai tué... Incapable de visualiser la réalité profonde des faits, ce fut lui qui lui agrippa la main et la tira dans la foule qui, prise de folie comme cette première victime, tentait de les agripper au passage. John, je vais finir le reste de ma vie en prison... ma valise, j'peux pas partir sans ma valise... oh mon dieu j'ai tué quelqu'un... Incohérente, perdue, elle ne sentit que l'air extérieur lui fouetter le visage et redressa enfin le nez, secouée par les épaules, sur les centaines de personnes malades, complètement folles, qui se jetaient à la gorge de leurs semblables... qu'est-ce qui se passe... ?

Ce genre de vision, ce genre de scène, vous hante pour le restant de vos jours, et bien que le monde puisse redevenir tendre, du moins en partie, ces faits, ces horreurs, vous marquent au fer rouge, il faut simplement apprendre à vivre avec leurs présences dans l'un des recoins de votre esprit.